Accablés, énervés, indignés, voici notre état d’esprit en tant qu’éleveurs sur le marais d’Olonne en ce début d’année. Au point de tirer la sonnette d’alarme et de vous faire part de cette tribune qui, nous l’espérons, éveillera votre conscience !
Des attaques de chien qui se multiplient
Vendredi 7 Février, constat d’effroi, nous observons nos 20 agneaux, amenés la veille, prostrés, figés, sanguinolents. Ils viennent de subir une attaque sur leur parcelle et tous sont impactés avec de nombreuses blessures graves. Mercredi 12, à peine le temps de digérer nos 3 premiers morts, et l’état déplorable de nos animaux, nous constatons une nouvelle attaque sur ce même troupeau ! Invraisemblable, c’est une boucherie … 2 morts supplémentaires + 4 euthanasiés !
Aujourd’hui, 6 jours viennent de s’écouler depuis la première attaque et nous prenons la plume, nous voilà désormais à 10 morts et ce n’est sans doute pas fini …
Les faits sont là, nos moutons se font régulièrement décimés ces 10 dernières années et le phénomène ne fait que s’accentuer. En ce début février, c’est donc la quatrième attaque que nous subissons sur nos cheptels en 9 mois ! Nous le savons, cela fait malheureusement partie du jeu, mais il est toujours aussi désagréable de faire face à cette habitude. Et ce qui est le plus rageant dans cette histoire, c’est la manière dont cela se passe : bien qu’ayant déjà vécus des attaques de chien errant, et même du loup (il y a 4 ans), nous savons que ces évènements sont le fait pour majorité de chiens non tenus en laisse, retrouvant le temps d’une balade, un certain goût et un certain retour à leur instinct sauvage, au grand étonnement de leur propriétaire! Cette vision trop idyllique et trop humaine de nos chiens, provoque un véritable déni de notre part sur leur capacité à changer de comportement lorsqu’ils sont en contact avec le monde sauvage et ses proies potentielles. Bien sûr, certaines races sont plus sujettes que d’autres, mais sachez que même un petit cabot, nous a déjà mis à l’eau une dizaine de moutons par simple jeu. Cela porte à sourire, mais méfiez-vous réellement des apparences, n’importe quel chien sortit de son contexte, aura un comportement différent dès qu’il sera en lien avec le milieu naturel.
Tous les exemples pris sur le vif nous l’ont prouvé, les propriétaires pensent être en maîtrise, or à chaque fois ils se font surprendre. Et c’est encore pire lorsqu’ils sont plusieurs chiens, puisqu’ils s’entrainent l’un et l’autre, provoquant des dégâts majeurs pour ne pas dire un carnage. Le mouton, tel une proie classique, est toujours blessé par des morsures multiples plus ou moins profondes sur 3 zones clés : > la tête avec la gorge, la nuque, mais aussi des oreilles arrachées
> les jambes avec morsures et hématomes diverses
> l’arrière train avec parfois des queues arrachées
N’oublions pas non plus, les mises à l’eau provoquées par le chien, qui est pour nos moutons, un des seuls échappatoire possible; ayant pour conséquence des noyades, car les berges sont parfois trop abruptes pour y remonter. Le bilan des incivilités sur nos cheptels est lourd : depuis l’année dernière près de 50 individus ont été blessés et/ou morts. Des troupeaux traumatisés avec un impact sur leur croissance, sur les mises bas … Au-delà des préjudices, c’est également du temps à y consacrer, avec en moyenne, 1 mois de soins quotidiens pour des plaies profondes.
C’en est trop ! Et nous vous alertons sérieusement sur ce sujet, vous tous, propriétaires de chiens et usagers de ces espaces naturels. Le pâturage est essentiel à l’entretien de ces milieux, il est donc indispensable que les comportements soient plus adaptés, pour le respect de notre travail, pour le respect du vivant.
Des espaces naturels trop considérés comme des espaces verts
L’augmentation de la population, le besoin de nature et la diversité de nos paysages sur l’agglomération, n’ont fait qu’amplifier la fréquentation de nos espaces naturels cette dernière décennie. Le marais d’Olonne ne déroge pas à cette règle, et personne n’est à fustiger, en soi c’est normal et très sain de prendre une respiration, de profiter de ce beau paysage. Mais n’oublions pas que ces milieux naturels (dunes, forêt, marais) sont précieux, ils sont nos derniers poumons, nos derniers espaces de vie sauvage dans cette pression urbanistique toujours plus prégnante. Ces espaces sont protégés à l’échelle européenne de par leur caractéristique remarquable, leur biodiversité, leur fragilité, et que certaines règles y sont appliquées. L’une d’entre elles n’est que trop peu respectée : tenir son chien en laisse. Beaucoup d’écriteaux le rappellent, sans doute trop discrets, mais cette règle est essentielle, au même titre que de rester sur les sentiers balisés, pour garantir la quiétude et la bonne santé de nos écosystèmes, et donc de nos paysages. Malheureusement, les chiens sont majoritairement laissés en liberté sur ses sites et ont des conséquences multiples sur la faune sauvage.
La problématique de nos moutons est exactement la même pour de nombreux animaux. Osons le dire, le chien non maitrisé est nocif pour nos écosystèmes ! D’un point de vue humain, son impact est sous-estimé. Il cherche, il s’agite, il gratte, il fouille, il déloge, il court ; bref, il dérange, il stresse et est considéré comme un véritable prédateur pour la faune sauvage sur le qui-vive en permanence. Aviez- vous ce regard là ? C’est pourtant une réalité, à chaque aboiement, à chaque course qu’effectue un chien, nos cheptels sont en alerte, la faune est en alerte. Le parallèle se fait facilement avec les oiseaux qui subissent ce dérangement toute l’année et sont perturbés notamment durant la période de nidification. Etant sur le terrain en permanence, nous le vivons, nous le constatons.
Nous pouvons vous évoquer une anecdote de l’année dernière sur le site de la Gachère où nous avons quelques enclos. Ce jour-là, des bruits anormaux nous ont alertés au cœur des dunes, et nous sommes tombés sur un chevreuil coincé dans un grillage (sans doute pris de panique) en train de se faire littéralement dépecer vivant par un chien, laissé libre de gambader où il voulait, sans aucune surveillance.
Prenons un autre exemple, nous offrant une vision plus parlante pour nous tous. Celle du chien sur la plage, qui court et fait envoler systématiquement les oiseaux sur l’estran rocheux ou les bancs de sable. Une véritable image d’Épinal que tout le monde a vu, où le propriétaire et son chien passent un moment heureux ; alors que pour ces oiseaux c’est tout le contraire, c’est un enfer ! Du matin jusqu’au soir, harcelés par toutes ces promenades même sur les plages les plus reculées, ils n’ont pas un moment de répit pour s’alimenter ou même se reposer en toute quiétude.
Nous pourrions poursuivre ainsi sur d’autres témoignages édifiants, mais il est important de se replacer dans un contexte, et prendre conscience qu’un milieu naturel n’est pas un terrain de jeu comme un autre. Amoureux de ces paysages, ils méritent à nos yeux beaucoup plus de considération.
Il faut donc passer au temps de la réflexion :
> Sommes-nous capable de consommer ces espaces sans leur offrir un minimum de bienveillance ?
> Comment contenir cette fréquentation en hausse, dans un territoire qui veut continuer à être attractif ?
Il en va de la responsabilité collective, interrogeons-nous, que voulons-nous? Quel espace naturel pour demain? Un grand décor qui contente nos plaisirs de loisirs, nos balades ; ou un territoire vivant où le sauvage et le travail des paysans se mêlent harmonieusement, garantissant ainsi la pérennité de nos écosystèmes ? Aujourd’hui, la cohabitation ne va que dans un sens et il semble nécessaire de retrouver un équilibre.
En tant que consommateurs, réfléchissez bien à votre impact, il en va de l’avenir de ces milieux naturels, de sa biodiversité, dont nos moutons font partie intégrante. A l’heure où l’élevage n’est que trop peu rémunérateur, ces attaques à répétition sont comme un coup de grâce. L’addition est particulièrement lourde et la sensation de payer cher le contexte péri-urbain dans lequel nous sommes implantés. Alors s’il vous plait, maitrisez vos chiens et tenez les en laisse, nous aussi paysans éleveurs, nous avons besoin de quiétude et de respect. Nous n’avons rien contre les chiens, nous n’avons rien contre les propriétaires, nous réclamons juste un peu de civisme pour que ces espaces naturels vivent plus sereinement.
Gaec la salorge de la Vertonne – le 13/02/25