La mémoire du risque est aujourd’hui sur toutes les lèvres, ou presque, mais elle n’est pas si facile à mobiliser et à entretenir. Ce livre montre finalement que la situation n’a pas beaucoup changé en 80 ans : les populations souhaitent que tout redevienne comme avant et surtout que la catastrophe ne revienne plus jamais.
Le 4 mars 2010, quelques jours après la tempête Xynthia, le journal Ouest-France fait le rapprochement avec une autre catastrophe : le raz-de-marée de janvier 1924. Johan Vincent avait déjà rencontré quelques documents d’archives se rapportant à cette catastrophe au cours de ses recherches pour sa thèse (publié sous le titre de L’intrusion balnéaire ; Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme). Il a continué ce travail de recherche de documents éparpillés, souvent mal signalés dans les répertoires. Il nous livre aujourd’hui un ouvrage de 159 pages, avec un livret d’illustrations de 8 pages, pour nous rafraîchir la mémoire.
La mémoire du risque est aujourd’hui sur toutes les lèvres, ou presque, mais elle n’est pas si facile à mobiliser et à entretenir. Ce livre montre finalement que la situation n’a pas beaucoup changé en 80 ans : les populations souhaitent que tout redevienne comme avant et surtout que la catastrophe ne revienne plus jamais. Le comportement est donc plutôt contradictoire. Les motivations actuelles étaient déjà celles de 1924. Si Johan Vincent consacre la première partie à nous raconter ce raz-de-marée qui frappe les côtes françaises de Brest à Biarritz, et en fait bien au-delà (en Angleterre, en Espace, au Portugal, au Maroc), à l’origine de 39 morts et plusieurs millions de francs de dégâts, il nous informe aussi sur les réactions des populations, avec le rôle des experts, des médias, des politiques aussi dans un contexte financier difficile pour la France (et oui, même dans les années 1920). Le canton de Saint-Hilaire-de-Riez n’échappe pas au phénomène, avec des bateaux détruits et une dune de la Garenne qui menace d’être coupée. Comme l’indique Thierry Sauzeau dans sa préface, « cet ouvrage nous ramène en 1924, à l’âge d’or des stations balnéaires, des torpédos et des élégantes. A l’heure des changements climatiques, il faut le lire comme l’analyse d’une catastrophe loin d’être inédite, qui rencontre une société et un mode de développement qui restent encore largement des nôtres ».
C’est une invitation à la modestie. Mais aussi une source de réflexions qui, en faisant le parallèle avec les conséquences de Xynthia dans sa 6e partie et sa conclusion, doit nous amener à choisir des stratégies efficaces, ne se limitant plus à la seule protection des populations. La vulnérabilité des lieux doit être au coeur de la réflexion de l’aménagement, pour éviter le risque ou le réduire. Si l’on en croit le rapport sénatorial Xynthia, 5 ans après, paru le 18 juin 2015, nous en sommes encore loin…