L’historien Johan Vincent et le géologue Michel Chevalier, tous deux membres du CPNS, ont uni leurs efforts pour nous proposer une réflexion sur les principes d’urbanisation de notre littoral, de Saint-Gilles-Croix-de-Vie à Saint-Jean-de-Monts. On peut y (re)découvrir l’entralacement entre la géologie qui conditionne la colonisation humaine des territoires et l’évolution sociale de ces mêmes territoires.

Au delà de cette éminente réflexion, les auteurs nous posent la question de la future évolution urbaine de ce secteur dont l’enjeu environnemental est primordial mais reste pourtant à démontrer sans cesse.

En publiant ce texte, le CPNS espère provoquer une large réflexion sur l’évolution de l’urbanisation locale. Nous vous invitons donc à réagir, à imaginer les scénarios d’urbanisation possibles pour les prochaines décennies et à publier vos commentaires à la suite de cet article.

Les administrateurs

SAINT HILAIRE _ ST GILLES : d’hier et d’aujourd’hui

de Johan Vincent et Michel Chevalier

Carte géologique de Saint-Hilaire-de-Riez et Saint-Gilles-Croix-de-Vie – Annotations Michel Chevalier, docteur en géologie.

Le substrat géologique n’influence-t-il pas l’esprit des habitants du pays de Saint-Hilaire-de-Riez ? Sans être un habitué de la lecture de ce genre de carte, un premier coup d’œil permet de se rendre compte de la présence d’un éperon rocheux (micaschistes) entouré de zones en creux (les marais) et de zones linéaires (les cordons dunaires). N’est-ce pas le tréfonds qui aurait façonné la disposition géographique actuelle ?

La Vie est venue entailler ce socle ancien. En créant l’île de Riez, le fleuve n’a-t-il pas favorisé l’isolement des premiers habitants ? Jusqu’à la fin du 17e siècle, l’île (orthographié Rié jusqu’aux cartes de Cassini, du 18e siècle) est une réalité géographique et politique. La sédimentation sableuse venant principalement du nord via l’estuaire de la Loire a entraîné un désenclavement de l’île de Riez. Les zones d’influence sont venues du nord et l’homme s’est attaché à ces couloirs de circulation (Challans et Saint-Jean-de-Monts).

De même, au sud de l’îlot, la remontée des eaux a favorisé une nouvelle sédimentation dans l’estuaire de la Vie, créant le territoire de Croix-de-Vie. Saint-Gilles et Croix-de-Vie n’ont-ils pas noué des liens à travers la même activité liée à la mer et au port, tout en maintenant une rivalité par la fracture de la Vie. Le bloc rocheux homogène de Saint-Gilles est resté lui, orienté tout à l’est et les échanges vont s’effectuer dans cette direction (le bocage, La Roche-sur-Yon).

La colonisation du territoire

La géologie a influencé le mode d’implantation des habitants. Les activités socio-économiques ont accéléré leur disposition. À Saint-Gilles et à Croix-de-Vie, les activités portuaires ont concentré la population aux abords du rivage. Les deux communes profitent de la protection de la Garenne de Retz à partir du 15e siècle, qui protège les bateaux des assauts de la mer et la population des éventuels pirates.

À Saint-Hilaire-de-Riez, les activités économiques sont longtemps orientées vers l’agriculture. Il existe une multitude de hameaux, sur le Terre-

Fort et dans le marais. Le marais présente une urbanisation diffuse dense : les habitations sont disposées sur des « mottes », légèrement surélevées pour éviter l’invasion de l’eau quand le marais est « blanc » (c’est-à-dire totalement inondé), ou aux abords des dépressions dunaires (favorables à la culture car plus humides, les peys (points hauts) étant occupés par les moulins). Il s’agit alors de très petits hameaux : parfois une habitation, parfois 2-3 maisons, très rarement une dizaine de bâtiments.

La dissymétrie est nette entre la densité des villages sur le territoire de Saint-Hilaire-de-Riez et aux abords de la Vie, et la partie du bocage plus à l’est de Saint-Gilles-Croix-de-Vie (extrait de la carte de Cassini, 18e siècle).

Le chenal de la Besse, rivière contournant la flèche dunaire des Mattes et débouchant sur le rivage au niveau de la station d’épuration des 60 Bornes actuelle, s’obstrue au cours du 17e siècle, le sable n’étant plus véritablement chassé. Saint-Hilaire-de-Riez n’est alors plus une île.

Cette occupation du territoire est si diffuse que, encore dans la première moitié du 20e siècle, le bourg de Saint-Hilaire-de-Riez a compté moins d’habitants que le marais. En 1911, le bourg compte 646 habitants, sur les 3283 habitants de la commune, un chiffre quasiment similaire à celui du recensement cinquante ans plus tôt, alors que le marais a explosé démographiquement entre-temps. Le recenseur de la population, en 1856, explique d’ailleurs que « malgré tout l’empressement qu’on y a mis, l’étendue considérable de la commune n’a pas permis d’envoyer plus tôt ce travail ».

Dans la seconde moitié du 20e siècle, l’urbanisme sur la côte vendéenne a suivi des voies différenciées, dont les extrêmes pourraient se retrouver dans les exemples de Saint-Hilaire-de-Riez et de Saint-Jean-de-Monts.

Saint-Hilaire-de-Riez a choisi l’étalement urbain : c’est l’urbanisation en « tâche d’huile » ou en « tâche de léopard », si fréquente sur les littoraux vendéens au cours du siècle. L’urbanisation s’est agrégée le long de la route de la Corniche, entre Sion et Croix-de-Vie, puis sur quelques rues adjacentes (lotissement des Bussoleries en 1926), et autour du village de Sion. Facilité par une opération de remembrement entre 1976 et 1979, le lotissement du Terre-Fort permet la jonction de cette ligne urbaine littorale avec le bourg dans les années 1980. Il devient ainsi l’une des plus vastes lotissements de France, avec plus de 21 kilomètres de voies ouvertes (environ un cinquième de la voirie communale à l’époque), mais sans structuration globale. Tout le massif schisteux est ainsi occupé, une partie des marais de la Vie étant même partiellement grignotée par des zones d’activités commerciales (Soudinière, Gâtineau). L’urbanisation colonise également la flèche dunaire des Mattes sous une forme pavillonnaire.

Saint-Jean-de-Monts a opté, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, pour la densification de son front balnéaire, avec trois objectifs : un objectif économique, car le promoteur immobilier trouve son intérêt à bâtir en hauteur en multipliant ainsi les appartements sur une surface foncière réduite ; un objectif social, car le touriste d’alors apprécie d’avoir un appartement moderne « les pieds dans l’eau », sans avoir le nécessaire entretien d’un jardin à effectuer ; un objectif environnemental, car la commune n’a pas à raser la forêt située entre le bourg et les quartiers balnéaires (il existe dans les fonds des archives départementales de la Vendée des plans sommaires qui quadrillent la forêt en un vaste lotissement). Les critiques envers cet urbanisme vertical dans les années 1970, puis la protection du littoral (rapport Picard en 1973, Loi Littoral en 1986), contrecarrent les extensions prévues en direction de Notre-Dame-de-Monts par la Société d’Aménagement de la Côte de Monts – espace aujourd’hui partiellement occupé par le terrain de golf.

Saint-Gilles-Croix-de-Vie opte pour une solution intermédiaire. Le front balnéaire est partiellement densifié, avec le remplacement de quelques villas balnéaires. Les extensions réalisées par l’entreprise Merlin prennent la forme d’un village Merlin 2000 (petites maisons d’un étage) associé à des immeubles d’une dizaine d’étages, dont l’un faillit être construit sur la plage, si le CPNS n’avait pas attaqué le permis de construire. L’extension du bourg est pavillonnaire : elle rejoint la route départementale (tracée dans les années 1980 à l’extrémité orientale de la commune pour créer une liaison fluide entre le pont de Noirmoutier et Les Sables d’Olonne), et même la dépasse pour s’implanter sur la commune du Fenouiller.

L’évolution urbaine contemporaine

La période actuelle est propice aux choix urbains, qui sont parfois étonnamment inverses de ceux qui ont été effectuées quelques dizaines d’années plus tôt. Saint-Jean-de-Monts procède actuellement à l’étalement de son bourg sur le marais : les ZAC des Clousis, les lotissements qui colonisent les espaces encore « naturels » (agricoles ou revenus à la nature) jusqu’à la route départementale qui contourne le bourg. Saint-Hilaire-de-Riez densifie son front de mer, avec la destruction de villas (sur la Corniche) ou de quartiers de villas (îlot Jeanne d’Arc).

Faire des choix à l’opposé de ceux qui avaient été faits précédemment ne signifie pas que l’on corrige les situations. Au contraire, on peut accumuler les défauts de chaque situation, sans en acquérir les avantages. La densification implique ainsi une mise aux normes des réseaux (eaux, égouts, énergie…). La demande sociale n’est-elle pas à la recherche des origines de vie ? On revient à Saint-Gilles-Croix-de-Vie ou à Saint-Hilaire-de-Riez en souvenir de ses vacances de jeunesse, on y recherche un environnement visuel agréable avec sa corniche et ses villas anciennes…

En regardant un autre site plus éloigné de nos côtes, celui de la Grande Motte (site artificiel avec des grands tours dans un cadre « naturel ») a été sauvé grâce à la création d’activités pérennes à l’année et une rapide implantation démographique (autant liée à la proximité de Montpellier qu’à l’arrivée de personnes au moment de leur retraite). Ne faut-il trouver un compromis pour engager des ressources pérennes ? Un monde nouveau ne s’ouvre-t-il à nous tous (Internet, mobilité électrique, autonomie domestique ?)


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