Norois n°222, Xynthia : regards de la géographie, du droit et de l’histoire
Genre: Documentation
Date de publication : 1er trimestre 2012

Retiendrons-nous quelque chose de Xynthia ? Cette revue propose de questionner la société sur les conséquences des tempêtes littorales.

A propos du livre

La revue Norois propose un dossier complémentaire à son numéro 215 (paru en 2010) sur Xynthia. Cette fois-ci, il ne s’agit pas de comprendre comment s’est déroulée la tempête mais de questionner la société sur les conséquences des tempêtes, sous forme d’articles scientifiques d’une quinzaine de pages chacun. Le numéro reprend des interventions qui avaient eu lieu lors du colloque nantais sur Xynthia (3 décembre 2010), auquel plusieurs membres de Coorlit85, dont le président du CPNS Benoît Graux, avaient assisté.

Retiendrons-nous quelque chose de Xynthia ? L’espace maritime est un espace à risque, où le déni a longtemps prévalu. Freddy Vinet et son équipe montpelliéraine démontrent que la vulnérabilité des territoires a été entretenue, voire même a été augmentée, avec la littoralisation des sociétés. Il n’y a pas eu de prises de conscience des spécificités du territoire, socialement (vieillissement des populations devenant moins réactives en cas de catastrophes), urbanistiquement, architecturalement (habitation de plain-pied devenant piège en cas de fortes inondations). De nombreuses publications, dont certaines sont en ligne, ont exploré ces problèmes.

Les différents auteurs semblent espérer un retour de l’État fort. Ils désirent une réelle maîtrise foncière, qui n’a pas été effective au cours des dernières décennies. Ils observent toutefois la maladresse étatique dans la gestion de la catastrophe. Denis Mercier et Céline Chadenas ont analysé les évolutions nominatives des zones noires ; ils invitent d’ailleurs à un changement national de politique dans la politique de la prévention des risques en France. Patrick Le Louarn interroge le droit et montre que la multiplication des dispositifs de solidarité nuit à leur efficacité. Il appelle à la responsabilisation des acteurs mais reconnaît que la faute est largement dépendante de la connaissance des risques (qui ne se limitent pas à l’inondation/submersion, faut-il le rappeler, car ce numéro de Norois qui invite à plusieurs reprises au recensement des risques se borne en fait à seulement deux types de risques). L’étude de l’aspect assurantiel du phénomène est particulièrement intéressante. Patrick Legal invite au contrôle du droit de construction, clairement distrait du droit de propriété, et promeut son idée de « sols environnementaux », c’est-à-dire des terres retirées du marché foncier et sans habitation (ou quasiment, ce qui montre un léger atermoiement dans sa réflexion).

Les auteurs militent particulièrement en faveur de la reconsidération de la mémoire du risque. Plusieurs articles remontent le temps pour puiser des preuves que l’épisode Xynthia n’est pas unique. Dans deux articles, les historiens Jean-Luc Sarrazin, Martine Acerra et Thierry Sauzeau, évoquent les catastrophes connues sur la côte atlantique à partir du 14e siècle et expliquent comment les populations locales ont vécu en connaissant ces risques. Jean-Luc Sarrazin résume même la situation ainsi : elles ont épousé le danger et l’ont intégré dans leur mode de vie. Un mariage qui n’a plus lieu d’être à partir du milieu du 19e siècle, quand l’ingénierie et la technologie ont déculpabilisé les populations, en les rassurant immodérément.

Ce numéro de Norois offre finalement quelques pistes pour une réflexion globale sur l’avenir de nos littoraux, dans un contexte où la littoralisation des sociétés ne cesse de progresser – or les deux logiques apparaissent inconciliables. Une saine lecture, pour qui ne veut pas faire l’autruche, pour qui veut avoir des arguments convaincants dans les discussions sur le sujet. La place des populations locales reste néanmoins à être mieux appréhendée.