Les risques naturels en zones côtières. Xynthia : enjeux politiques, questionnements juridiques
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Genre: Documentation
Editeur : PUR
Date de publication : 2015
ISBN: 9782753541849

Les conséquences de la tempête Xynthia ont réveillé l’intérêt de nombreuses disciplines pour le risque naturel, en particulier des juristes et des politistes qui s'expriment ici.

A propos du livre

Les conséquences de la tempête Xynthia ont réveillé l’intérêt de nombreuses disciplines pour le risque naturel : des géographes (en particulier les chercheurs du laboratoire nantais Géomer), des historiens (travaux d’Emmanuel Garnier et de Thierry Sauzeau), des épidémiologistes (CIRE Limousin et Poitou-Charentes, et Institut de veille sanitaire), environnementaliste, médecins (sur urgences cardiologiques et catastrophe naturelle, par exemple), les juristes (Pierre-Yannick Legal), les microbiologistes (IFREMER)… Les juristes et les politistes sont plutôt restés en retrait, dans un premier temps. Un colloque a été organisé à La Rochelle en novembre 2012, pour tenter de répondre à certaines interrogations juridiques et politiques. Ce livre en est la publication, avec une actualisation des propos jusqu’à la fin de l’année 2014.

Le propos est parfois très technique. Certains passages sont caractéristiques de la littérature juridique, avec une succession d’articles de loi ou de jurisprudence, qui en rendent la lecture difficile. Néanmoins, nous ne pouvons qu’inviter le lecteur rebuté à s’accrocher : diverses contributions sont très éclairantes.

L’ouvrage est divisé en deux grandes parties : les enjeux et les instruments de la prévention des risques naturels ; les indemnisations et les responsabilités juridiques face aux risques naturels en zones côtières. Le droit de l’environnement est directement mis à l’honneur, avec la première contribution, d’Agnès Michelot. La référence au concept de risque est difficile à manier, dans la mesure où la terminologie n’est pas systématiquement celle du risque : le droit évoque les « menaces », les « pressions sur les zones côtières », les « impacts potentiels », les « accidents majeurs », les « catastrophes ». Le corpus juridique élaboré au coup par coup, sans perspective globale, conduit à une gestion des risques naturels en zones côtières passant par des étapes d’évaluation et de suivi pas toujours prévues dans les faits. L’enjeu des risques remet le droit de l’environnement au cœur des problématiques mais, en réalité, décisions politiques et prévention restent encore en décalage.

À plusieurs reprises, les auteurs attaquent l’échelon communal, voire intercommunal, pour lui préférer un échelon plus large (Gestion Intégrée des Zones Côtières, État). Mais la « culture du risque » ne se fait-elle pas contre le « territoire » ? C’est tout le sens de la contribution de Guillaume Gourgues, sur la recherche participative issue du programme ADAPTALITT, qui est très neuve sur un thème qu’on pensait très bien connaître mais dont notre compréhension restait impressionniste. En 2011, 10 % de la population de Gâvres (Morbihan) ont participé à des échanges (divers ateliers) sur la question des risques naturels locaux. Cette solution, destinée à éviter l’expérimentation « hors-sol », n’est pas une recette clé en main et pose la question de sa reproductibilité.

Alice Mazeaud explique aussi que l’État se pose faussement en protecteur. Tandis que la pression à l’urbanisation demeure forte, la croyance en la capacité des experts et de l’État à prévenir les risques est entamée depuis les années 1990. Or le refuge technocratique, désormais avec l’aide de la technologie, a tendance à se faire en délégitimant les populations locales. En même temps, l’avenir du régime assurantiel CatNat, jusqu’alors très solidaire, est désormais posé : une responsabilisation des individus est promue, pour sauver le système ! Comme le démontre Stéphanie Hourdeau-Bodin, le rôle de l’action publique, très prolixe dans les discours, est déficient dans les faits : le prétendu effet déresponsabilisant du système d’indemnisation (il faut être particulièrement peu matérialiste pour croire qu’on se remet facilement des conséquences d’une inondation) est entretenu par les pouvoirs publics. La responsabilité sera d’ailleurs difficile à obtenir en droit puisque, en matière de prévention, les normes (tant qu’il y en a, au vu des débats actuels !) marginalisent le recours à la responsabilité civile, même si la Cour de cassation a été sollicitée (contribution de Marie-Luce Bernard et Sabine Bertolaso). Faut-il une pénalisation du principe de précaution ? Céline Laronde-Clérac appelle à la prudence en la matière, tout en décortiquant bien les enjeux du procès « Xynthia » (celui de 2014).

Les différents auteurs montrent néanmoins que le droit pourrait être à un tournant : celui d’un droit construit localement, sur un territoire côtier particulièrement vulnérable au risque mais à l’irrésistible potentiel économique. La question de la capacité d’accueil est soulevée. L’irruption de la culture du risque va donc, sans doute, nous amener à devoir approfondir nos réflexions sur l’aménagement d’un espace fragile : le littoral.